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Supermarché
Photo : © Scientistsofamerica
À défaut de grives on mange des merles
Le come-back des produits sains

Ils avaient mauvaise réputation mais voici qu’ils reviennent en force dans les rayons des supermarchés : les produits sains ont plus d’un tour dans leur sac et ont su séduire les décideurs de la grande distribution. Et ce n’est pas tout : le phénomène est loin de se limiter aux produits « diététiquement » sains, il s’étend aux produits « éthiques » : commerce équitable, produits de saison, produits aux emballages recyclables et produits bio.
C’est en tout cas l’étonnante observation qu’ont faite deux chercheurs en sciences commerciales du célèbre Institute of Commercial Studies du Lab-Star College de Baltimore.

L’industrie agro-alimentaire a longtemps compté exclusivement sur la vente de produits diététiquement douteux (trop de graisse, trop de sucre, trop de sel) ou même à la limite de la toxicité, puisque, comme le disait Carlo Angst, le grand théoricien à qui l’on doit les avancées des XXe-XXIe siècles en matière de diététique, « Ce qui est néfaste à la santé coûte presque toujours moins cher à produire, et en tout cas, tout ce qui est meilleur pour la santé coûte trop cher »... Prenant le contre-pied des hygiénistes de son temps, c’est Angst qui proposait d’ajouter au moindre produit alimentaire des « additifs » ou des colorants même sans aucune raison : « si ça ne fait pas de mal, ça ne pourra pas faire de bien ».
Même en n’étant réellement connues que d’un petit groupe d’industriels, les théories de Carlo Angst ont permis à quelques entrepreneurs de dégager des bénéfices inimaginables dans un secteur autrefois méprisé des financiers, celui de l’alimentation.

Mais coup de théâtre, la grande distribution a pris le parti de réintroduire progressivement un peu de « produits sains » dans les rayons des supermarchés. Le mouvement n’est pas tout neuf, il date du début des années 1990. « C’est une période charnière : l’écologie est subitement revenue à la mode mais le consommateur réclamait qu’on la lui apporte sur un plateau, il ne voulait plus s’embêter à fréquenter les épiceries écologiques aux odeurs bizarres et au personnel membre de sectes diverses ». Plus soucieux de sa santé que politiquement engagé pour la planète, le consommateur commence en effet à réclamer des produits « éthiques » en hypermarchés. Des labels sont créés pour rassurer l’acheteur et, sous la pression des petits producteurs et d’une conjoncture politique désastreuse, il devient même défendu de faire passer pour « bio » des produits qui ne respectent pas un cahier des charges écologique précis — la manière dont le célèbre yogourth appellé « bio » a été forcé de changer de nom est resté dans les mémoires comme une sinistre caricature de cet activisme enragé et sectaire des écologistes qui refusent ce qui est pourtant la plus ancienne règle du commerce raisonné : la tromperie sur la marchandise. Cette manœuvre légale injuste aurait pu avoir des conséquences bien funestes : peu à peu, des produits sains auraient envahi les rayonnages de manière incontrôlable, causant la ruine d’industriels estimables.
Par ailleurs, rendus conscients de la médiocre qualité des produits « standards » par la présence de produits « sains », les consommateurs ont tendance à désespérer des produits qu’on leur vend et à perdre la foi dans les marques : cette pente glissante peut entrainer tout le système capitaliste à sa perte.

C’est le chef du rayon laitages d’un hypermarché de la périphérie de Paris qui découvrira par hasard un fait curieux : les produits sains constituent parfois un excellent moyen pour vendre des produits non-sains.
L’affirmation est pour le moins étonnante mais peut néanmoins être démontrée par le raisonnement et surtout par l’expérimentation. Par le raisonnement, on se doute que l’augmentation de la durée de vie des consommateurs, par la réduction du nombre de produits malsains qu’ils consomment, profite à l’industrie (un autre article de Scientistsofamerica faisait le point sur le sujet). On peut aussi comprendre que le prix plus élevé des produits sains agisse comme un repoussoir et même comme un moyen d’augmenter les prix des articles non-sains : voyant un café « bio » ou « équitable » à plus de 3 euros, le consommateur achètera sans sourciller un autre café à 2,5 euros et dont l’emballage rappellera le premier. Il lui semblera avoir fait une économie et il pensera confusément que le paquet qu’il a finalement acheté est sans doute plus « bio » ou plus « équitable » qu’un troisième paquet vendu 1,5 euros seulement.

Mais il y encore mieux. Le chef de rayon dont nous parlions plus haut a fait une étonnante observation. Lorsque les consommateurs sont habitués à acheter un produit auquel ils croient, ils persistent à vouloir l’acheter même lorsqu’il n’est plus en rayon. « J’avais entré du feta de brebis de marque V**, , connu pour son excellent goût et sa qualité diététique. Peu à peu, les consommateurs se sont entichés du produit, en ont délaissé les autres marques mais ont fait augmenter mon chiffre d’affaires sur le feta », explique le commerçant. « Et puis un jour, un commercial des laitages X** est venu me remonter un peu les bretelles et m’ordonner de ne plus commander le feta V** qui lui causait du tort. J’ai obéi sans rechigner, on ne mord pas la main qui vous nourrit ! J’ai donc doublé mes commandes de feta X** qui a remplacé le feta V** du rayon. Or les consommateurs ont continué à acheter autant de feta qu’avant, en le prenant en priorité du côté du rayon où se trouvait le feta V**. Leur prix a même pu être augmenté de 40 centimes sans que personne ne le remarque ». L’explication de ce phénomène, c’est que lorsque l’on habitue le consommateur à un produit sur des critères objectifs et rationnels, ce dernier agira malgré tout de manière totalement irrationnelle lorsque le produit disparait : il prend n’importe quoi et à n’importe quel prix pourvu que l’emplacement soit le même.

Vendus de manière ponctuelle et raisonnée, les produits « sains » agissent donc comme un véritable « booster » des ventes de produits « non-sains », ils permettent de créer un besoin qui sera ensuite comblé par des produits de moindre qualité.
On voit que les géants de l’agro-alimentaire et de la distribution ont tout à gagner à laisser survivre les producteurs de produits « éthiques », tant que cette survie est dument encadrée, bien entendu.


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Sheila K. Rappaport
Dermatologue le jour, journaliste scientifique la nuit


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